Cela faisait maintenant une semaine que Vespéral était dans cet autre monde. Enfin une semaine… Il lui semblait en tout cas avoir passé 7 journées. Mais le temps ici avait quelque chose d’aléatoire et d’inexistant. Il se demandait même si le temps s’écoulait ici. En tout cas, il s’était vite fait à l’idée de débuter une nouvelle vie. De toute façon le monde réel n’avait rien à envier à l’autre monde.

Mais passons, Vespéral voulait un cheval. Car Vespéral adore les animaux. Et les chevaux sont des compagnons très appréciables, et puis la voltige lui manquait. Cette union artistique entre un homme et un cheval. Et puis il n’y a pas que ça, un cheval c’est utile pour se déplacer. C’est donc pour cela que Vespéral se trouvait dans les prairies, non très loin du château où il passait le plus clair de son temps pour manger et dormir, un charmant endroit si on aime l’ambiance un peu lugubre…

La prairie était plus grande qu’il ne l’aurait imaginé. Il avait entendu dire que les chevaux s’y baladaient en liberté. L’herbe était haute et verdoyante à souhait. L’atmosphère était lumineuse malgré le ciel gris. C’était étrange comme temps, un large dégradé de blanc au noir dans le ciel, et pourtant une luminosité presque d’or sur la prairie. Vespéral s’enfonça dans la prairie, en direction du ciel noir encore lointain, et peut-être mieux ne valait-il pas trop en approcher après tout.

Sa patience finit par payer il découvrit au détour d’une large flaque aqueuse quatre chevaux s’abreuvant. Il s’approcha très lentement à pas feutrés, il était hors de question de les capturer de force. Il voulait les apprivoiser, la manière douce, être d’abord accepter dans leur sphère puis faire connaissance… Parmi les quatre l’un d’entre eux attira particulièrement son attention c’était un bel étalon au pelage gris-noir parsemé de reflets bleus électriques.

Et alors commença une interminable tentative d’approche. Chaque pas vers les chevaux, et ils reculaient de trois. Il fallait attendre, être patient, finir par être accepter, mais Vespéral n’en démordait pas, il n’était pas venu jusque là pour repartir sans RIEN ! Au bout de deux heures de traque il avait enfin réussi à s’approcher sans provoquer leur recul. Il n’était plus qu’à une dizaine de mètres. Et en plus le cheval bleu semblait assez réceptif, il regardait Vespéral et s’approchait lentement. Oui, ça allait marcher. Mais surtout ne pas se précipiter. Attendre, laisser faire les choses.

Il y eut un fracas très proche d’eux, un objet non identifié avait provoqué ce bruit, suffisamment fort et surtout fortement inattendu. Les chevaux prirent la fuite sans hésiter une seconde, ils filèrent au galop tels les rois de cette prairie. Vespéral resta bouche bé. En une fraction de seconde tous ses espoirs volèrent en éclat et ses efforts en fumée. Il lâcha alors un violent « NOON !! » plus de désespoir et de frustration que de colère, car Vespéral n’est pas du genre à laisser la colère prendre parti.

Il laissa tomber brutalement sa tête contre sa main, claquant son front, comme si ça allait consoler sa frustration. Bon sang 2 heures de traque et une seconde suffit pour tout anéantir. Frustration.

« Ah ben mince ! »

« Effectivement ce n’était pas très douée mademoiselle ! »

Vespéral releva la tête, il n’avait pas prêté attention à cet objet non identifié, mais ce n’était pas un objet, c’était une jeune fille et… Et… Un espèce de robot doté de parole ?! Les yeux de Vespéral s’agrandirent, pétillant de surprise et de curiosité. Et puis comme s’il n’avait pas encore fait le lien entre la fille et la fuite des chevaux il lui sourit instantanément, puis il eut un éclair de lucidité et fronça les sourcils.

« Heu… heu dé… désolé »

« En effet…. Tu peux t’excuser… Deux heures que je tentais l’approche avec ce cheval… » dit-il d’une voix étonnamment douce compte tenu de la situation. Mais avec toutefois une once de rancœur.

Elle s’était inclinée, bon au moins elle était sincère. Mais pourquoi rougissait-elle ainsi ? Bon peut-être était-elle affreusement gênée d’avoir fait détaler les chevaux.

« Veuillez l’excuser, mais elle n’est pas très à l’aise avec les hommes ! »

Vespéral éclata de rire, et bien quel duo intéressant, une jeune fille mal à l’aise et un robot n’ayant pas sa langue dans sa poche. Puis cessant de rire il les détailla du regard quelques secondes. Ce qui le frappa en premier lieu c’était l’étrange couleur de ses cheveux, Vespéral ne pensait pas avoir déjà vu un telle teinture, mais il faut dire que ce n’était pas si choquant chez elle, c’était même plutôt harmonieux avec son visage, ses yeux.

« Bon et bien, on n’a qu’à dire que je suis une femme alors ! » Dit-il sans réfléchir mais très sérieusement, ça lui était égal à lui.

« Et bien Mademoiselle, vous allez me devoir quelque chose pour avoir fait fuir les chevaux, tout à un prix ici, je crois… »

Un prix… Il ne croyait pas si bien dire car à peine eut-il prononcé ce mot que la malédiction du maître les frappa. Il entendit les chevaux parler. Incroyable il pouvait désormais communiquer avec eux !! Mais c’est génial !! Génial… Mais à quel prix ? Il ne pouvait désormais plus espérer ne monter aucun cheval ni voltiger avec eux car son union avec n’importe quel cheval le transformerait immédiatement en un poney potelé.

« Le… Le maître… » balbutia-t-il, alors c’était vrai, il existait vraiment...

Vespéral était perdu dans ses pensées. Les chevaux étaient silencieux. Mais ils pouvaient bien les entendre. Mais alors était-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Il n’arrivait pas à se décider. Une chose était sûre il ne se laisserait pas abattre par une malédiction. D’autant qu’elle offrait un gros point positif. Il fut tiré de ses pensées par la fille au robot, elle demandait qui était le maître. Il comprit alors qu’elle venait sans doute à peine d’arriver ici, dans l’autre monde, tout comme lui il y a une semaine, elle semblait pourtant si normale si l’on peut dire. Enfin, elle n’était pas bouleversée d’incompréhension totale ? Soit elle n’avait pas encore réalisé, soit elle a déjà eu le temps de passer le cap auquel cas elle possède une grande capacité d’adaptation. Soit elle n’a pas encore compris où elle est.

« Et bien… Personne ne sait vraiment qui est le maître, mais il est là c’est certain ! Certain le place au grade d’un Dieu, parce qu’il serait un être supérieur aux pouvoirs illimités. Mais je n’avais encore jamais eu à faire à ses pouvoirs. Mais vous aussi vous entendez les chevaux n’est-ce pas ? »

Il semblait réfléchir. C’était assez incroyable comme manifestation non ? Une malédiction rien que ça. N'y a t-il vraiment aucunes limites à ses pouvoirs ?

« Je commence à croire que d’une manière ou d’une autre ce soit disant Maître gouverne ce monde »

Vespéral avait tellement de question auxquelles il aimerait une réponse. Et la demoiselle devait être dans le même cas, mais il ne pourrait pas lui dire ce qu’il en est puisque lui-même était encore dans l’ignorance et l’incompréhension de ce monde.

« En résumé… On est assez nombreux à vivre ici. Mais personne ne sait exactement, ni ne comprend ce monde, existe-il vraiment ? Est-on dans un rêve ? Est-on mort ? Aucune réponse… Une seule chose, en venant ici, on oublie son prénom »

Et il acheva sa phrase avec un air plutôt grave en baissant les yeux. Mais ne désirant point se morfondre maintenant il releva la tête en souriant puis tourna le regard vers leurs nouveaux compagnons, les chevaux qui n’étaient plus si loin.

« Hum… Je sais je vais m’appeler Etincelle à partir de maintenant ! »

« Très bien, Etincelle, bienvenue dans l’Autre monde alors ! »

« Dites les chevaux vous voulez pas vous rapprochez je vais pas vous monter et puis de toute façon j’ai jamais fait d’équitation donc ça risque pas que je monte sur vous ! »

Ne pas leur monter dessus…. Et la voltige alors ? Bon sang ! Il ne pourrait plus jamais en faire ! Vespéral serra les poings instinctivement, il avait beau être toujours positif, le fait qu’on lui arrache un bout de sa passion ne le laissait pas indifférent. Point de colère sur son visage pourtant. Il semblait serein. Adieu voltige pensa-t-il intérieurement. Faire de la voltige sur des poneys ? Non il n’y pensait pas. Mais c’était comme une prise de conscience sur ce Maître, il avait vraiment les moyens de le détruire. C’est vrai, et si jamais il lui prenait l’idée de lui voler une jambe par exemple ? Adieu acrobatie, adieu escalade, adieu cirque, adieu sa passion tout simplement. Non, il ne le supporterait sans doute pas, Vespéral vivait pour ça. Serait-ce de la peur ?

Non, il ne se laisserait pas faire, il trouverait bien un moyen d’éviter ça, de se libérer du maître, ou bien de faire un accord avec lui ? Enfin, la question n’en était pas là, mais ses idées restaient en trame de fond dans la tête de Vespé. Il fut agréablement tiré de son désarroi par les chevaux.

# C’est bien la première fois que nous pouvons converser avec des humains # fit un cheval marron en s’approchant avec les autres.

Ils étaient quatre, un noir, un marron, un beige, et le bleu qu’avait repéré Vespé.

« Et c’est bien la première fois je parle avec des chevaux » dit-il non sans sourire largement.

« Appelez-moi Vespéral, et elle c’est Etincelle, et son compagnon robotique…. Khan ? Je crois ? Et vous chevaux, avez-vous un nom ? »

Il regardait le cheval bleu avec attention, c’était vraiment un bel étalon, jeune, robuste, et son pelage aux reflets électriques était vraiment intrigant.

Espom. Vespéral acquiesça tout en réfléchissant, est-ce que ce nom existait ou si était-ce seulement un arrangement de lettre aléatoire de Khan. Mais, ça sonnait pas si mal. Ils n’avaient pas de noms. Vespéral se demanda s’ils avaient oubliés leur prénom tout comme eux, ou c’était simplement que les animaux ne portaient point de nom. Donner un nom, une appellation, c’était typiquement humain, les animaux n’avaient que faire de se nommer. Enfin bref, Vespéral n’allait pas de lancer dans une intense réflexion pour savoir si oui ou non les noms étaient une lobi humaine.

Quel nom donner à ces chevaux ? Et bien après des heures passé à les observer, Vespé ne les connaissaient pas encore suffisamment bien pour leur donner un nom. Mais il se tourna vers le cheval noir-bleu et en pointant son index vers lui, déterminé il dit d’un air de défi :

« TOI ! Sois mon compagnon de route !!! Je te nomme Vagabond, car on va vivre beaucoup d’aventure ensemble… »

Vespéral regardait le cheval avec plein d’étoiles dans les yeux. C’était pour lui qu’il était là depuis le début, et même s’il ne pouvait plus le monter, il n’en démordrait pas, il adorait les chevaux, leur compagnie, et puis qui sait, il s’accommoderait peut-être à l’usure, monter un poney. L’étalon agita la tête tout en donnant quelques coups de sabot au sol en avançant vers Vespéral, ils entendirent alors sa voix roque, imposant respect, tout du moins Vespé le trouva immédiatement encore plus classe qu’il ne l’était déjà.

# Très bien gamin, je t’aime bien, j’accepte ta proposition. #

« GéniaaAAAL » s’exalta Vespéral

Gamin. Vespéral sourit. C’est vrai que son tempérament direct et parfois immature lui donnait que trop peu de crédibilité, en tout cas Vagabond semblait bien avoir cerné son irresponsabilité. Sans doute l’étalon était lui-même plus mature que Vespéral, mais au moins se complétait-il à merveille non ? Gamin, ça lui allait bien.

# Mais sache que je ne suis ni soumis ni domptable ni dompté, si je te suis c’est seulement par envie, je pense pouvoir m’amuser avec toi… # lança vagabond

« Tu ne te trompes pas » répondit le garçon

Vespéral était tout content de sa trouvaille, enfin, sa rencontre plutôt, finalement il avait réussi, il avait trouvé un compagnon, et il en était certain, ils allaient s’entendre parfaitement.

# Et alors que faîtes vous-ici, loin du château ? Une promenade en amoureux ? # demanda vagabond non sans malice.