Le réveil fut brutal.
Plus que désagréable.
Destinée avait l’habitude.
Mais, cette fois-là était différente de toutes les autres. Déjà, l’inspecteur ne portait plus sa veste, pourtant, il était persuadé de s’être endormit avec. Ensuite, son dos le faisait atrocement souffrir, il ne pouvait quasiment pas bouger les bras. Toute tentative se terminait par des gémissements de douleur. Le jeune homme ouvrit très lentement les yeux, la lueur du jour l’aveuglait et la chaleur était insupportable. Quelque chose avait dû brûler… Son cerveau.

Destinée ne comprenait plus rien. Ce qu’il voyait aux alentours n’avait rien d’un appartement en plein centre-ville. Il s’agissait d’un très vaste désert de sable. Le reste de ses vêtements en étaient recouverts, entrant dans ses chaussettes, lui donnant l’impression que ses pieds pesaient bien plus que leur poids habituel.

Durant quelques instants, il chercha une explication rationnelle à sa présence dans ce putain de désert. Soit c’était un rêve (plus que lucide) ou bien, il était mort.  Une autre probabilité lui venait en tête, un peu farfelue… Celle du coup monté. Un escroc avait dû le forcer à boire un coup de trop, puis l’avait enlevé pour le largueur au beau milieu de nulle part. Ok, il avait des ennemis, mais ils n'iraient pas s'emmerder à le trimbaler dans un avion, surtout que ce genre de voyage dure plusieurs heures et il se serait réveillé entre temps. A moins qu'ils n'aient employé un puissant sédatif. Quand bien même, ça ne tenait pas la route.  

L’hypothèse du rêve tombait aussi à l'eau puisque la douleur le terrassait. Par ailleurs, son rythme cardiaque s’était accéléré durant plusieurs secondes, discréditant la théorie: "mort". C'était quoi alors ? Une caméra cachée ?

Destinée resta sur le dos le temps que la douleur se fasse moins vive, puis, très lentement, se redressa en position assise. En fouillant sa proche, il fut surprit de trouver ses effets personnels, excepté son portable et ses papiers d’identité. L’appareil devait être resté sur la table du salon, quand à son portefeuille, on le lui avait simplement volé avant de le jeter ici. Ici… C’était quoi cet endroit au juste ? Le Sahara ? Cela semblait tout de même bien moins étendu, il pouvait apercevoir quelques maisons au loin, à environ 1,5 kilomètre. Le problème, c’est qu’il n’était pas certain de pouvoir marcher et il commençait à avoir drôlement soif…

La situation semblait désespérée. Le soleil commençait à décliner et les nuits dans les déserts étaient plus ou moins dangereuses. Les tempêtes de sable, le froid, les bêtes nocturnes… Destinée ne pouvait pas mourir ici, pas avant d’avoir trouvé [/i] cet homme. [/i]. Après plusieurs tentatives, il parvint à tenir debout quelques minutes. Il fallait prendre sur soi, les douleurs sont passagères et puis, Destinée était un homme très résistant, une chute n’allait pas le terrasser, ni un désert le découragé. Peu importe les raisons pour lesquelles il était là, la priorité était de survivre. Il se mit en marche, ses jambes ne le portèrent pas très loin. C’est alors que deux silhouettes se dirigèrent vers lui. L'asiatique n’était pas le type de personne qui laissait éclater sa joie, surtout que cela pourrait aussi bien être ses ravisseurs qui revenaient finir le boulot.

A sa grande surprise, un homme s’agenouilla auprès de lui et commença à poser des questions sur sa santé. Destinée lui répondit être parfaitement en forme,  sans mentionner le fait qu’il avait vraisemblablement fait une chute douloureuse. L’étranger ne semblait pas japonais, mais ils se comprenaient parfaitement.
Il lui apprit être le guide de la femme qui l’accompagnait. Destinée tourna les yeux vers la personne vêtue d’orange pour la saluer, mais elle choisit ce moment précis pour lui donner sa gourde et s'adressa à lui d'une voix plutôt froide. Il imaginait bien que la voyageuse ne devait pas être ravie d’aider un inconnu, alors qu’elle avait certainement autre chose à faire.

L’inspecteur échangea un regard avec le guide, qui posa une main apaisante sur son bras, l’encourageant à boire. Et si c’était du poison ? Il jeta un autre regard méfiant sur la roussette. Elle parlait également japonais, pourtant, son physique était typiquement européen. Mais qu'importe, ce simple détail fini par le rassurer. C'est qu'il était un peu parano. Après qu'il ait consommé quelques gorgées, le guide proposa de l’aider à se lever, par fierté, Destinée s’y refusa. Il s’appuya sur l’épaule de l’homme pour se mettre debout, puis rejoignit la jeune femme.

- Que faites-vous là ?  Ou sommes-nous ?  Questionna-t-il.

Dans son pays, généralement, on se présentait avant d'engager la conversation, bien évidemment, les coutumes diffèrent d'un pays à l'autre. Sa chute devait l’avoir encore plus amoché qu’il n’y paressait, puisqu’il n’avait aucune idée de comment il s’appelait. Ce devait être le choc. Pourtant, il se souvenait parfaitement du reste. Des jours précédents, des mois précédents, des années précédentes.
Que lui arrivait-il ?

Bien des années auparavant, Destinée avait appris qu’une personne peu loquace cachait toujours au moins un lourd secret. Il ignorait ce qui se tramait dans le coin, mais ce n’était certainement pas pour l’accueillir que ces gens étaient venus. De plus, la femme ne ressemblait pas à une touriste ordinaire, évidemment, elle cherchait quelque chose. Mais quoi ? Dans un désert perdu, au beau milieu de nulle part, que pouvait-il y avoir de si précieux ? Encore perturbé par l’oubli de son identité, Destinée ne s’y attarda pas et garda le silence quelques instants. Le fait même que la rousse n’entre pas dans les détails témoignait de sa méfiance par rapport à lui. Elle serait bien étonnée de savoir que rien n’intéressait plus notre homme que la vengeance.

Des informations, auxquelles il ne s’attendait pas, ne tardèrent pas à lui être révélées. Mais Destinée n’en cru pas un mot. Son esprit rationnel ne pouvait se satisfaire d’une telle réponse. « Autre monde » ? Il y avait très peu de probabilités qu’un « autre monde » existe.
Bien sûr que non.
Cette femme était folle. S’ils étaient vraiment dans un univers parallèle, elle n’aurait pas parlé aussi calmement. Tout paraissait parfaitement normal et, jusqu’à présent, le jeune homme n’avait pas vu la trace d’un monstre des sables. Comme pour s’en assurer, il jeta un rapide regard sous ses pieds puis reporta son attention sur l'assise.

-Vous voulez me faire croire que personne ne connaît son nom, ici ?

Il serait certes plus simple de se dégoter un nouveau pseudonyme en attendant de retrouver la mémoire. Plutôt que spéculer sur le pourquoi du comment il avait réellement atterri ici, Destinée avait opté pour le rêve lucide. Peut-être qu’il pourrait créer d’autres illusions qui lui diraient quoi faire ? Apparemment son subconscient avait d’importantes choses à lui révéler. Malheureusement, toute tentative de directifs télépathiques se solda par un échec. Tant pis, il ne restait plus qu'à laisser les choses se dérouler sans intervenir.

-Je songerai à un nom plus tard, puisque vous n’avez pas l’air de savoir vous-mêmes qui vous êtes et où nous nous trouvons, comment pouvez-vous être à la recherche de quelque chose, dans un endroit que vous ne connaissez même pas ?


Le guide ne tarda pas à lui rappeler sa présence, mais Destinée se posait finalement la même question à son sujet. Supposons que la voyageuse dise la vérité, dans ce cas, toutes les personnes qu'ils croiseraient viendraient d'ailleurs. On ne s'improvisait pas guide, tout ceci était franchement louche. Destinée décida de s'adresser à l'accompagnant.

- Et vous ? Vous êtes d'ici ? Vous avez l'air de connaître le coin et d'être familier avec les nouveaux arrivants. Vous savez qui est le responsable de tout ça ?

Destinée haussa un sourcil.  
Combien de temps avait-elle cherché avant de se résigner ? Pour un grand investigateur comme lui, il ne pouvait accepter un tel échec, surtout quand-il s’agissait d’une chose aussi personnelle, aussi… Primordiale ? Et puis, comment pouvait-elle affirmer avant tant d’assurance que « personne » ne connaissait son nom ? L’endroit dans lequel ils avaient atterrit n’était peut-être pas si étendu que Destinée l’espérait. L’organisateur de cette vaste mascarade devait forcément connaître le nom des personnes qu’il manœuvrait. Il suffisait de mettre la main dessus. Plus facile à dire qu’à faire. Le japonais se questionnait sur le genre de type qui attirait des inconnus dans un endroit pommé en les dépossédant d’une partie de leur identité. Cela ne pouvait être qu’une personne de pouvoir, sacrément aliénée. Cela dit, le brun était mal placé pour juger l’état d’esprit d’autrui, étant donné ses… tendances suicidaires, soit disant inconscientes.

Elle avait raison sur un point: il n'était pas question de se morfondre. De toute façon, Destinée n'était pas du genre à tourner en rond pendant des heures à la recherche d’une solution. Les possibilités s’imposaient d’elles-mêmes. Mais la question qu’il se posait actuellement, c’était ce que venait faire une jeune fille et un guide dans un désert ardant. Bien que ça ne le concerne en rien, ils pouvaient être en possession d’informations qui lui seraient utiles.

Il acquiesça d’un signe de tête à cette réplique, alors qu’une seconde interprétation lui vint à l’esprit. La curiosité est un vilain défaut. Il n’était probablement pas très prudent de partir en quête de d’un quelconque bien, puisque, précédemment, l’étrangère avait répondu chercher quelque chose. Pas quelqu’un, ni des réponses. Il s’agissait certainement d’un objet de valeur. Enfin, peu importe. Destinée ne se souciait pas des richesses ou du pouvoir, il n’avait qu’un seul et unique but. A présent, deux.

- Si vous le dites.

La réponse du guide ne l’étonna guère. Il pouvait tout aussi bien être payé pour son silence. Destinée lui laissa le bénéfice du doute et soupira, avant de bailler et d’étirer un peu les muscles de ses bras. La douleur de son dos ne le lançait plus autant, mais il ses cervicales en garderaient des séquelles.

- Ces vêtements… Dit-il en désignant la tenue de la jeune fille. Ou les avez-vous eus ?

Ça lui serait bien utile de trouver autre chose à se mettre sur le dos, étant donné la chaleur, quoiqu’il ait moins de risque de mourir de froid cette nuit.