En dehors de sa longue chevelure rousse, l'autre détail qui frappe lorsque l'on rencontre Colombe est bien son opulente poitrine. Appelons un chat, un chat ; sa poitrine est loin d'être dans les normes et croyez le ou non, ce n'est selon elle pas un avantage ! Elle se tient très cambrée pour justement maintenir tout ce poids qui la fait souffrir. Penchée vers l'avant, il n'est pas rare qu'elle perde facilement l'équilibre. Courir lui fait mal, et ne parlons pas des problèmes que cela engendre pour dormir. Sa poitrine est un complexe chez elle qui surprend bien des filles. Pourtant, Colombe donnerait cher pour en perdre.
D'une taille plutôt modeste, la jeune femme approche du mètre soixante-dix avec ses talons et ne saurait vous dire combien elle mesure avec exactitude. Ni combien elle pèse. Ce sont des choses qui l'importent peu et grand bien lui fasse ! Elle n'a pas le problème du régime que beaucoup peuvent avoir. Sans être fine, Colombe a plutôt des formes généreuses, qu'il s'agisse de ses cuisses comme de ses hanches. Elle ne rentre pas dans un trente-huit, c'est sûr et certain. Mais c'est là encore le cadet de ses soucis. L'équitation lui a forgé les jambes, la vie aura taillé les épaules. Sa silhouette est celle d'une femme pulpeuse, mais son style vestimentaire est celui d'une timide complexée.
Plutôt naturelle, vous ne verrez du maquillage que sur ses yeux ; un coup de crayon noir et un coup de blush pour ré-hausser son teint de pêche, qu'elle pense légèrement terne. Rien de plus. Pas de fond de teint, même lorsqu'une petite imperfection se manifeste. La nature reprend ses droits et elle la laisse faire, sachant que ce n'est que passager. Ses mains sont délicates et soignées, ses ongles durs et propres ; ses mains sont très importantes pour elle, aussi y fait-elle très attention. C'est aussi la partie de son corps qu'elle considère comme la plus intime, car c'est par la main que tous les sentiments sont communiqués ; la peur, la joie, l'amour, la haine. Tout. Mais ne lui touchez pas les mains, ni les poignets. Vous seriez comme une cage cherchant à l'emprisonner.

Une maman pour tous ? Une grande sœur souriante ? Oui, Colombe peut l'être. Cette jeune femme ne manque pas d'amour à revendre et apprécie les gens comme ils sont, avec leurs qualités mais aussi leurs défauts. Elle saura trouver les bons points de chacun, de comprendre facilement leur fonctionnement. Son instinct est plutôt développé et malgré son air de niaise aux gros seins, elle en a dans la caboche ! Logique et posée, elle ne s'énerve pas facilement et préfère les discussions matures et réfléchies aux comportement excentriques. Elle rit facilement, n'a pas peur de grand chose et se débrouille toujours pour que tout le monde se sente à l'aise à ses côtés.
Mais si une personne ne se résumait qu'à quelques adjectifs, cela se saurait. Nul ne peut affirmer qu'un être est entier lorsque l'on est capable de le qualifier. La nature de l'être humain réside dans sa complexité, et Colombe n'échappe pas à la règle. Fondamentalement gentille, douce et aimante, elle possède ses défauts et ses démons qui peuvent faire d'elle une personne détestable. Ce n'est pas une sainte, et elle le sait. Certains l'admireront pour sa volonté, d'autres trouveront qu'elle est lâche. L'opinion d'une personne ne fait pas vérité, pas plus qu'elle ne fait défaut, et Colombe le sait. Elle n'est pas susceptible et accepte la critique, les remarques. Elle bronche rarement, mais n'est pas inapte à la colère. Ses colères sont rarement bruyantes et elle ne les exprime qu'en solitaire, loin de tous. Elle intériorise, n'aime pas s'imposer aux autres et ses sentiments ne regardent qu'elle. Peut-être devrait-elle parler et s'exprimer afin de libérer le poids qui pèse sur ses épaules. Colombe a conscience de la souffrance de chacun, et c'est pour cette raison qu'elle ne veut pas parler de la sienne. Les autres ont déjà trop à faire avec la leur.
Et de là est né ce côté noir, sombre et malsain qui la ronge petit à petit, depuis déjà tout ce temps... la culpabilité, la peur, la douleur, la solitude, la tristesse ; le désespoir. Tous ces sentiments la rendent malgré elle de plus en plus sensible et extrême dans ses raisonnements. Elle qui au départ se voulait optimiste pour tous, n'est plus qu'un voile nacré recouvrant la pire des horreurs. Sa famille lui manque, ses amis lui manquent, son amour lui manque, sa vie lui manque. Tout ce qui faisait d'elle une personne lui parait si lointain maintenant et les souvenirs s'effacent peu à peu. La peur d'oublier et de se perdre dans cet univers qu'elle déteste peut la mener à faire des choses bien sombre. Il n'y a pas plus de folie en elle que d'espoir. Et seul le Maître sait combien elle en a...

Peut-on parler de passé lorsque l'on commence à oublier ? Peut-on dire que l'on a une histoire lorsque la raconter semble être aussi facile que raconter celle d'un autre ?

« J'ai oublié le visage de ma mère et celui de mon père. Je me souviens d'un homme blond et d'une femme rousse, je me souviens d'un châle rouge et d'une veste en cuir. »

Colombe n'est plus certaine. Depuis combien de temps a-t-elle quitté le monde réel ? Est-elle morte, est-elle vivante ? Dans sa mémoire, ses souvenirs vacillent. Elle se souvient de certains instants de sa jeunesse, comme de la fois où elle est montée pour la première fois à cheval, à six ans. Mais le paysage, elle ne saurait le décrire avec exactitude. C'était dans un champ, mais de quoi, elle ne s'en souvient pas. Elle pense qu'elle a une petite sœur, peut-être un petit frère. Mais peut-être est-ce aussi son cousin ou l'enfant des voisins ; elle sait juste qu'il y a un bébé né "récemment".
Lorsqu'elle rêve, Colombe imagine sa vie, se demande si elle était heureuse. Il lui semble qu'elle l'était et qu'elle n'a pas de mauvais souvenirs. Elle se rappelle d'une maison dans laquelle elle a grandit, entourée d'un petit bois, voisins d'une ville de dix mille habitants. Elle se rappelle de grandes montagnes et d'un jeu avec l'écho qu'elle pratiquait souvent avec sa soeur. Était-elle bonne élève ou cancre ? Elle croit avoir été une bonne élève douée en à peu près tout, sans problème ni conflit. Est-ce que sa vie fut morne au point qu'elle finisse par l'oublier ?

Dans son coin, Colombe se recroquevillera et tentera de se rappeler mais ne saura dire si ce qu'elle imagine est issu d'un rêve ou de la réalité. Peut-être qu'elle n'a pas d'histoire, tout simplement. Quand elle ferme les yeux, pourtant, et qu'elle serre ses bras contre elle, elle a la sensation qu'une personne est avec elle et la prend doucement contre elle. Est-ce un homme, une femme ? Une odeur distincte lui susurre qu'il s'agit d'un homme. Mais elle ignore qui. Elle sait juste qu'elle apprécie cette odeur et qu'elle se sent apaiser lorsqu'elle s'en rappelle.

La vie de Colombe est un océan d'incertitudes, de rêves et de flashs. Peut-être que la réalité dont elle rêve, n'est en réalité qu'un simple rêve...

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